Nouvelles du Lesotho

NOUVELLES DU LÉSOTHO

Je vous partage ces nouvelles du Lesotho, petit état enclavé au milieu de l’Afrique du Sud, où nous avions séjourné quelques jours en novembre 2018.
Même si celle-ci est douloureuse pour beaucoup et dramatique pour certains, ces nouvelles relativisent beaucoup la crise que vit actuellement nos pays « riches »…
La rédactrice, française installée la bas, gère des gites et une maison d’hôtes, en plus d’être fortement impliquée dans plusieurs associations humanitaires locales…
Daniel JOLY

Ladybrand, le 3 avril 2020
Chers amis,
Voici donc des nouvelles du Lesotho et d’Afrique du Sud en commençant par chez nous: le Centre de Jeunesse de Ha Matela (que vous aviez aidé par le passé) a fermé le 19 mars, le même jour que les écoles du Lesotho, mais d’abord nous avons expliqué aux jeunes ce qui se passait et ce qu’il fallait faire et ne pas faire
(apparemment les enseignants n’avaient guère eu de temps pour ça car la décision du gouvernement fut très précipitée). Nous avions déjà commencé quelques jours auparavant à rendre obligatoire le lavage des mains en entrant dans le Centre ce que les jeunes enfants aimaient d’ailleurs un peu trop, super les bulles! Bien sûr ça doit être très difficile de continuer à faire ça maintenant chez eux où ils n’ont pas l’eau courante…

Nous avons également eu une petite fête improvisée au Centre ce 19 mars pour dire merci et au revoir aux jeunes bénévoles allemands qui avaient déjà reçu l’ordre de rentrer chez eux. Depuis ils ont réussi à prendre le dernier vol qui quittait l’Afrique australe avant le confinement ou lockdown (qui a débuté en Afrique du Sud le 25 au soir) et ils sont bien arrivés chez eux. Les Maisons d’Hôtes sont officiellement fermées depuis le 20 mars. Nous avions pas mal de réservations pour
mars et avril et quelques-unes pour mai, juin et juillet mais bien sûr toutes ont été annulées et on a bien peur que celles d’août (gros groupes en provenance d’Espagne et des USA) soient aussi annulées bientôt car en Afrique australe la crise du coronavirus ne fait que commencer…

En Afrique du Sud, il y aurait selon les statistiques officielles à ce jour (03-04-20) 1505 personnes qui ont été testées positives au Covid-19 et 7 morts confirmées. Mais dans un grand pays comme celui-là avec beaucoup de sans-papiers et des townships ou les conditions demeurent très précaires à plein de niveaux, le nombre de cas doit déjà être beaucoup plus élevé. En tout cas le gouvernement sud-africain prend des mesures efficaces et sa politique transparente est assez remarquable.
Quant au Lesotho, aucun cas n’y a été officiellement détecté à ce jour mais c’est certain que le virus y est déjà présent de manière invisible, vu la fréquence des entrées d’Afrique du Sud, surtout depuis que des dizaines de milliers de Basotho qui travaillaient là-bas en sont rentrés juste avant le 25 mars (pour éviter de passer la période du lockdown loin de chez eux) et ont sans aucun doute apporté le virus avec eux… De plus le Ministère de la Santé au Lesotho n’a pas les moyens de tester le virus et doit envoyer en Afrique du Sud les tests des “suspected cases”, 8 à ce jour… Contrairement à l’Afrique du Sud, les actions du gouvernement du
Lesotho restent vagues et semblent inefficaces. Le scenario de ce qui se passera quand le virus commencera à se répandre au Lesotho est donc plutôt effrayant avec aucune possibilité de le tester rapidement, très peu de possibilités d’enrayer la contamination (pas assez de masques pour le personnel soignant ou de services
hospitaliers pour isoler les personnes contaminées) et sans doute extrêmement peu de moyens de soigner les cas sévères (pas de matériel respiratoire sophistiqué). Avec un quart de la population adulte séropositive (comme dans le reste de l’Afrique australe d’ailleurs, à quelques chiffres près) donc ayant un système immunitaire très faible, et beaucoup souffrant de la tuberculose (donc toussant beaucoup… comment distinguer une toux d’une autre?!), ça risque d’être une catastrophe. On a l’impression d’être assis sur un volcan !

À mon modeste niveau, je n’ai pas pu faire grand-chose si ce n’est m’assurer que ceux autour de moi étaient le mieux préparés possible. Nous avons eu une réunion du personnel des Maisons d’Hôtes pour répéter les précautions à prendre. Et tant qu’à faire, on a partagé des pizzas et bu un verre à notre bonne santé à tous, y
compris celle des bénévoles à qui on disait au revoir. Chacun a aussi reçu un petit paquet avec savon désinfectant, comprimés de paracétamol, gants, etc. C’était peu mais il fallait rester positifs et ne pas juste baisser les bras. Je leur ai aussi assuré qu’ils continueraient à recevoir leurs salaires alors que tellement de gens
vont perdre leurs emplois, qu’ils soient salariés ou indépendants. Vu que la plupart des Basotho n’ont pas trois sous de côté et que le gouvernement ne compensera sans doute personne pour la perte de revenus pendant cette période de crise qui risque de durer longtemps, la situation économique va être aussi catastrophique que la situation sanitaire.

Le lockdown (confinement) a débuté au Lesotho le 29 mars au soir, selon des dispositions assez semblables à celles d’Afrique du Sud : services minimum sanitaires, bancaires et sécuritaires assurés, très peu de commerces ouverts (alimentation et pharmacie), et interdiction de sortir de chez soi sauf pour démarches/courses essentielles. Il y a cependant beaucoup de flou pour le domaine agricole et les gens continuent donc à travailler dans leurs jardins et leurs champs de même que les bergers sont encore dehors avec leurs animaux. Heureusement, d’ailleurs, car sinon la famine causée par la situation économique serait encore plus sévère… Sans doute qu’à Maseru (capitale du Lesotho) la police est assez stricte mais dans les régions rurales c’est impossible de dire aux gens de rester chez eux. Espérons tout de même qu’ils ne restent pas trop près les uns des autres : facile pour les bergers mais pas pour les autres, vu les habitudes sociales.
Finalement quelques nouvelles de moi : je vais bien et je suis venue en Afrique du Sud le 25 mars, juste avant le lockdown, pour des raisons de visas. Je dois aussi avouer que, ayant fait tout ce que je pouvais avant de partir pour mon personnel et plusieurs voisins, je n’avais pas envie de rester a Morija ou j’aurais eu trop souvent des personnes venant chez moi, lockdown ou pas, pour me demander de l’aide que je ne pourrais pas leur fournir… J’ai donc décidé de préserver ma santé physique et mentale. Je suis dans une minuscule maison sur une ferme près de Ladybrand, en toute securité. Je suis très isolée mais je profite d’un environnement superbe ou personne ne peut m’empêcher de me promener ! Le confinement de mes enfants se fait aussi dans des conditions tout à fait supportables. Nous sommes privilégiés !

Bon courage à vous tous et portez-vous le mieux possible,

Amitiés,

Brigitte