Homélie du 5e dimanche de Carême

HOMÉLIE DU 5° DIMANCHE DE CARÊME (Année A)

Lazare revient à la vie (Jean 11/1-45) -« Si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort ! » Tel a été le cri de Marthe et Marie. Un cri qui se répète au long de l’histoire de l’humanité. Un cri qui s’élève dans le monde entier en ces jours, partout où meurent des victimes de ce virus. La plupart étaient atteintes déjà de maladies graves, mais ce virus a précipité leur départ. Un cri qui s’élève aussi des familles d’enfants, de jeunes, d’adultes de tous âges emportés par une maladie incurable. Prions pour ces familles désemparées. Comment les empêcher de dire elles aussi, même si elles sont croyantes : « Si tu avais été là, mon enfant, mon conjoint, mon frère, ma sœur, mon père ouma mère ne serait pas mort ! » ? Mais Dieu ne veut pas nous laisser ainsi, perdus, sans espérance. Il vient nous dire aujourd’hui qu’il est plus fort que la mort et que la mort est une naissance à une vie nouvelle.On intitule souvent ce passage : la résurrection de Lazare ». On a tort, car il ne s’agit pas à proprement parler de résurrection ! « Ressuscité des morts, le Christ ne meurt plus », dira l’apôtre Paul. La résurrection, c’est l’entrée dans une vie nouvelle : on ne fait pas demi-tour ! Personne nesait ce que fut la vie de Lazare après sa sortie du tombeau. Ce dont on est sûr par contre, c’est qu’il mourra de nouveau, et cette fois-ci pour de bon ! Car c’est la seule certitude qui nous unit tous : nous mourrons ! Faut-il pour autant tomber dans le désespoir ? Dieu nous fait signe aujourd’hui -j’allais dire au détriment de Lazare qui touchait au bonheur d’être en Dieu ! -et il nous pose à tous la question : « Crois-tu ? »Mais suivons le fil de ce passage d’Évangile. Les premiers mots de Marthe etde Marie, par l’intermédiaire d’envoyés, sont ceux-ci : « Seigneur, celui que tu aimes est malade ! » Elles ne demandent rien ; elles savent l’amour qui les lie à Jésus. Et cet amour suffit. Tout est dit… Sachons, dans notre prière, présenter au Christ nos souffrances et celles de nos frères et sœurs, simplement. Il sait ce qui nous habite le cœur… Et là, étrangement, Jésus ne se presse pas ! Deux jours sur place, le temps du voyage jusqu’en Judée, 4 jours que Lazare est déjà au tombeau : une semaine sans doute a passé ! Cet apparent silence de Dieu restera toujours un mystère : ne cherchons pas à l’élucider…Et là, s’instaure un dialogue avec ses disciples. Jésus court des risques. On essaie de l’en dissuader. Avant que l’un d’eux, le plus courageuxde tous, Thomas, intervienne : « Allons-y nous aussi pour mourir avec lui. »… Pensons à toutes celles et tous ceux qui prennent des risques aujourd’hui auprès des malades…À l’arrivée à Béthanie, voici Marthe qui se précipite, tandis que Marie est restée à la maison. Tout le contraire de cette autre scène de l’Évangile où Marie était assise aux pieds de Jésus tandis que Marthe se démenait à faire le service. Comme quoi, ne classons jamais personne ! Toutes deux aiment à leur manière selon les circonstances… Et Marthe, aussitôt après avoir dit : « Si tu avais été là… », exprime sa confiance en Jésus : « Tout ce que tu demanderas, Dieu te l’accordera »… -« Ton frère ressuscitera… Crois-tu ? » Cette question nous est posée à chacune et chacun aujourd’hui : « Crois-tu ? » Et Jésus d’ajouter : « Je suis la Résurrection et la Vie ».

« JE SUIS » : C’est le nom-même de Dieu ! Aussitôt après cet épisode, chefs des prêtres, pharisiens et Grand Conseil, se ligueront pour décider la mort de Jésus :il blasphème ! Beaucoup vont croire en Lui… N’oublions pas que d’autres voudront sa mort !…Cette assurance en la Résurrection ferait-elle de nous des surhommes ? Pas du tout ! La peine, le déchirement, font partie de notre condition humaine. Et Jésus se montre pleinement homme : « saisi d’émotion », « bouleversé », « repris par l’émotion », « il se met à pleurer » ! La peine des autres est aussi la nôtre, mais elle est également la peine de Dieu. Je n’oublierai jamais les mots de cet homme qui avait perdu son épouse toute jeune, le laissant seul avec trois jeunes enfants : « J’ai compris un jour, disait-il, que Dieu avait souffert avec moi de la mort de ma femme ». Jamais je ne me serai permis de prononcer ces mots devant lui… mais lui en avait fait l’expérience. Comment ne pas les accueillir avec émerveillement ? Oui, Jésus a pleuré… et il n’a pas fait semblant ! »Enlevez la pierre »… En entendant ces mots, je pense à ceux du prophète : « J’enlèverai votre cœur de pierre et mettrai en vous un cœur de chair. » Oui, le Seigneur a le pouvoir d’ôter le pierre ! Le confinement, le tombeau, sont des œuvres humaines ; l’un comme l’autre disent un souci sanitaire indispensable ! Mais le Seigneur fera craquer nos tombeaux, dit Ézéchiel… Que de verrous à faire sauter dans nos vies ! Que de portes, fermées depuis longtemps peut-être, se sont ouvertes pour rejoindre des personnes perdues de vue depuis longtemps, par négligence ! Le téléphone, les réseaux sociaux, nous ont permis de renouer tant de liens !Et Jésus de se tourner vers le Père, dans une véritable supplication, mais en commençant par une action de grâces ! N’oublions pas de commencer toute prière par une action de grâces : nous sommes aimés au-delà de tout ! Déjà le psalmiste le chantait : « Tu envoies ton souffle, ils sont créés, tu renouvelles la face de la terre » (Psaume 104). Avec lui, émerveillons-nous. Amen.

Bruno DEROUX

Cet Évangile de Lazare revenant à la vie fait ressurgir cette chanson écrite il y a 28 ans déjà…La Vie est un grand mystère… Alors j’imagine…Que peut bien penser un enfant dans le ventre de sa mère ? Quelle angoisse à l’approche de la naissance  !Et si le grand « passage » de la mort lui était comparable !?