Nous portons un trésor

Noël est passé, Pâques n’est pas encore en vue, nous sommes dans le « temps ordinaire » qui est toujours, pour les chrétiens, un temps extraordinaire. Nous vivons le quotidien qui nous est demandé, jour après jour, mais nous le vivons en portant en nous un trésor.

Ce mois de février commence (le 2) par la fête de la Présentation de Jésus au Temple, et je voudrais partager avec vous un échange que nous avons eu dernièrement avec notre fraternité séculière Charles de Foucauld. Notre point de référence était une très belle méditation faite sur le mystère de la Visitation par le bienheureux Christian de Chergé, prieur des trappistes martyrs de Tibhirine. Le mystère de la Présentation célébré ce 2 février rejoint celui de la Visitation, tous les deux nous montrent la Vierge Marie portant un trésor.

Christian de Chergé commence ainsi sa méditation sur la visite de Marie à Élisabeth : « Marie porte en elle un secret vivant, une Bonne Nouvelle vivante. Elle l’a reçue d’un ange. C’est son secret et c’est aussi le secret de Dieu. Et elle ne doit pas savoir comment s’y prendre pour livrer ce secret. Va-t-elle dire quelque chose à Élisabeth ? Peut-elle le dire ? Comment le dire ? Comment s’y prendre ? Faut-il le cacher ? »

Quand Marie et Joseph vont présenter l’enfant Jésus au Temple, c’est aussi ce trésor secret qu’ils portent au Temple et qu’ils offrent ainsi à Dieu et à toute l’humanité. Et Marie ne connaît de ce trésor que ce que lui a dit l’ange Gabriel : qu’il sera grand, qu’il sera appelé fils du Très-Haut, qu’il siégera sur le trône de David son père, que son nom sera Sauveur… Elle a bien compris, à travers ces mots, que c’était le Messie qu’elle mettait au monde, qu’elle apportait au monde, comme en témoigne son ‘Magnificat’. Mais il lui faudra, jour après jour, avec patience, ‘retenant et méditant tout cela dans son cœur’ (Lc 2.19), découvrir toujours davantage le mystère inouï de celui qu’elle a mis au monde et qu’elle offre au monde.

Chers amis, frères et sœurs, nous aussi comme Marie nous portons ce trésor, depuis notre baptême. Jésus est en nous, vit dans notre cœur, partage notre vie, nous sauve. Quelle joie ! Et, comme Marie, nous allons, durant tout le temps « ordinaire » de notre vie, le découvrir en nous peu à peu et approfondir toujours davantage ce mystère de celui que nous portons en nous. Par l’Eucharistie et le sacrement du pardon, par la méditation et la prière contemplative, par l’amitié de ceux et celles qui partagent notre vie, par la rencontre des plus pauvres de ce monde, qui sont Jésus lui-même parmi nous, Jésus nous dit qui il est, et ce qu’il est venu faire en nous et pour toutes les personnes humaines : nous rendre enfants de Dieu comme lui et avec lui. « Bien-aimés, dès maintenant nous sommes enfants de Dieu » (1Jn 3.2). Comme Marie, nous n’aurons jamais fini de découvrir ce trésor qui est en nous.

Et nous sommes appelés à le porter au monde, mais comment ? Comment ‘dire’ cette joie et cette merveilleuse et bonne nouvelle à ses enfants et petits-enfants, comment le dire aux membres de notre propre famille, à ceux et celles qui nous entourent ou que nous rencontrons au hasard de notre vie, aux personnes âgées que nous visitons et qui attendent parfois la mort comme un point final ? Comme Marie, nous ne savons pas toujours comment nous y prendre pour livrer ce secret. Va-t-on dire quelque chose ? Peut-on le dire ? Comment le dire ? Comment s’y prendre ? Faut-il le cacher ? 

Je pense souvent à la parole de Jésus, prononcée pour d’autres circonstances mais qui est vraie et forte aussi pour répondre à ces questions que nous nous posons : ‘l’Esprit de votre Père vous inspirera ce qu’il faut dire (ou ne pas dire) à ce moment’ (cfr Mc 13.11). Faisons-lui donc confiance. Parfois l’écoute, l’attention et l’affection amicales feront plus de bien que des paroles. On sait que, dans la vie de notre bienheureux frère Charles de Foucauld, la présence silencieuse, patiente et affectueuse de sa cousine Marie de Bondy a peu à peu retourné Charles et l’a conduit un jour presque par hasard au sacrement du pardon qu’il a reçu de l’abbé Huvelin et à sa rencontre décisive avec celui qui sera, toute sa vie, son « bien-aimé Frère et Seigneur Jésus ».

Mais parfois le moment est venu de parler, d’annoncer par la parole ce trésor que nous portons. Il faut toujours à ce moment nous souvenir que l’Esprit, qui nous inspire les temps et les paroles, a déjà parlé aussi au cœur de celui ou celle à qui nous nous adressons. Aucune personne humaine sur la terre, baptisée ou non, croyante ou incroyante, n’est oubliée de Dieu. Chacune, à certains moments de sa vie, et en particulier à l’occasion de certaines rencontres, est interpellée par l’Esprit. Chacune, quelles que soient sa vie et son histoire, est enfant de Dieu et porte un secret intérieur, un message de l’Esprit qui la prépare à accueillir le trésor que nous lui apportons.

Fr. Philippe Stevens,

Communauté des Petits Frères de l’Evangile à Nyons